Les appuis à la souveraineté se raffermissent

Un nouveau volet du sondage Pallas Data/Qc125/L’actualité, sur la souveraineté du Québec cette fois-ci, permet de constater que si les indépendantistes sont encore loin du grand soir, leur projet demeure vivant. La montée vertigineuse du Parti québécois (PQ) et la chute de la Coalition Avenir Québec (CAQ) dans les intentions de vote cet automne semblent avoir eu un léger effet sur l’engouement des Québécois pour le projet indépendantiste. Lire cette chronique ici . Philippe J. Fournier est le créateur de Qc125. Il est professeur de physique et d'astronomie au Cégep de Saint-Laurent à Montréal. Pour toute information ou pour une demande d'entrevue médiatique, écrivez à info@Qc125.com . Philippe J. Fournier is the creator of Qc125. He teaches physics and astronomy at Cégep de Saint-Laurent in Montreal. For information or media request, please write to info@Qc125.com .

Qu'ont en commun les trois dernières élections? L'humeur changeante des Québécois.

En écrivant les codes du simulateur Qc125, la plus grande difficulté - et encore la plus grande source d'incertitude, à mon avis - fut sans aucun doute de déceler et quantifier les corrélations des habitudes électorales de région en région.

Je crois que peu de Québécois le réalisent, mais les trois dernières élections générales au Québec ont vu une chute dramatique du vote populaire de trois partis différents.

Et le mot « chute » est bien choisi ici: je ne parle pas seulement d'une baisse de support faisant partie d'un cycle régulier d'une population qui oscille entre le centre-gauche et le centre-droit.

Non. Des chutes dramatiques. Regardons cela de plus près en regardant brièvement les résultats de l'élection générale de 2007.

En 2007, les Libéraux de Jean Charest, déjà impopulaires auprès de l'électorat après un seul mandat, arrachent une mince victoire minoritaire avec 48 sièges et un maigre 33,1% du vote.

L'Action démocratique du Québec de Mario Dumont prend un virage identitaire qui touche une corde sensible chez de nombreux Québécois et devient l'opposition officielle pour la première (et seule) fois de son histoire: il récolte 41 sièges (une hausse de 37 sièges!) et 30,8% du vote populaire.

Malgré des débuts prometteurs, André Boisclair - le premier « jeune » chef du PQ - mène son parti à une décevante troisième place avec seulement 36 sièges et 28,4% du vote.

Il s'agit du premier gouvernement minoritaire au Québec depuis plus d'un siècle.

Les résultats de l'élection générale de 2007 (DGEQ)

Que s'est-il passé par la suite? Jetons un coup d'oeil aux élections de 2008, 2012 et 2014.

2008: L'ADQ s'effondre


En décembre 2008, le Québec retourne aux urnes. Pendant que les États-Unis sont plongés dans la pire crise économique des dernières décennies, Jean Charest demande aux Québécois de donner à son parti un mandat majoritaire: « les deux mains sur le volant » qu'il a répété si souvent.

Pourtant, le PLQ ne récolte que 50 000 votes de plus qu'en 2007... alors comment a-t-il pu gagner une majorité?

Voici comment: l'Action démocratique s'est littéralement effondrée en perdant près de 700 000 votes. Le Parti québécois, avec un gain modeste de 16 000 votes, redevient l'opposition officielle.

Les résultats de l'élection générale de 2008 (DGEQ)

Ce sera la dernière élection pour le parti de Mario Dumont. Le PLQ a ensuite remporté son comté de Rivière-du-Loup dans l'élection partielle qui a suivi et ce qui restait de l'ADQ a été avalé par la Coalition Avenir Québec avant l'élection de 2012.

Avec du recul, on peut donc affirmer que l'élection de 2008, aussi peu mémorable a-t-elle pu être, aura tout de même marqué le paysage politique au Québec. Il est rare de voir un parti soit au pouvoir ou proche du pouvoir à une élection être pratiquement éradiqué à l'élection suivante.

(Je ne peux penser qu'à ces exemples: l'Union nationale en 1970, le PPC de Mulroney en 1993, le NPD ontarien de Bob Rae en 1995.)


2012: Les Libéraux s'effondrent... même en gagnant 50 sièges


L'année 2012 aura certainement été turbulente en politique québécoise: la grève étudiante, un gouvernement usé et mélangé à des allégations de corruption, l'absence de loi sur les élections à date fixe... (sans oublier un attentat politique raté, mais tout de même meurtrier, au Métropolis le soir de l'élection.)

Les résultats de l'élection générale de 2012 (DGEQ)

Malgré le nombre impressionnant de sièges remportés par les Libéraux le soir du 4 septembre 2012, en regardant les chiffres, on ne peut que conclure que le vote libéral s'est effondré lors de cette élection.

J'ai séparé le Québec en 21 régions où, historiquement, les comtés possèdent des habitudes électorales semblables. J'ai ensuite comparé les variations du vote (en pourcentage, et non en votes absolus) de 2008 à 2012. Regardez ce que ça donne:


En gros, les Libéraux ont perdu, entre 2008 et 2012, des appuis dans toutes les régions du Québec. Ce résultat m'a tellement frappé que je suis allé revérifier les chiffres comté par comté. En effet, le PLQ a amélioré sa part du vote dans seulement deux (!) circonscriptions: Rivière-du-Loup (où Mario Dumont n'était pas candidat pour la première fois depuis l'élection de 1989) et Ungava (où le PLQ a amélioré son score de deux centièmes de pourcent...).

Le PLQ a aussi perdu beaucoup d'appui dans l'ouest de Montréal et la région de Gatineau, où sa base la plus fidèle se trouve. D'ailleurs, on se rappellera que même l'équipe éditoriale de The Gazette avait refusé d'appuyer le PLQ (elle avait appuyé la CAQ).

Étrangement, le PQ aussi a perdu des appuis presque partout au Québec de 2008 à 2012: seulement dans la région de la Côte-Sud et la Gaspésie est-ce que les appuis au PQ avaient augmenté.

Alors pourquoi le PQ l'a-t-il emporté? Parce que le vote libéral s'est effondré.

Certes, le PLQ a quand même remporté 50 sièges lors de cette élection, mais ses appuis ont fondu partout au Québec.

La CAQ a certainement réussi son entrée en 2012. En comparant les résultats de la CAQ de 2012 avec l'ADQ de 2008, on remarque que la part du vote a augmenté dans pas moins de 20 des 21 régions.

De son côté, Québec solidaire a fait grimper modestement ses appuis dans chacune des 21 régions.


2014: Le poing en l'air, le vote péquiste s'effondre


Après neuf ans de règne libéral de 2003 à 2012, nous aurions pu croire que nous étions entrés dans un nouveau cycle péquiste - ou du moins un cycle non libéral - pour quelques années. Certes, le PQ avait remporté le pouvoir de justesse, mais il avait finalement battu Jean Charest (en nombre de sièges et au vote populaire, ce qu'aucun péquiste n'avait réussi auparavant).

Mais la Charte des valeurs arriva. Et puis l'incertitude sur un troisième référendum. Et l'arrivée de Pierre-Karl Péladeau.


Et le vent a tourné.

En regardant les variations de votes (toujours en pourcentage) des mêmes 21 régions du Québec entre 2012 et 2014, nous remarquons un retour du balancier percutant à la fois pour le PQ et le PLQ:


Le Parti libéral a amélioré sa part du vote dans les 21 régions, alors que le PQ l'a empirée dans les 21 régions. La CAQ a aussi enregistré une baisse généralisée, mais bien moins abrupte que le PQ. Québec solidaire a augmenté ses appuis dans 19 des 21 régions.

En fait, dans combien de circonscriptions pensez-vous que le score libéral a augmenté de 2012 à 2014?

50? 60? 70?

Réponse: 124.

Le PLQ a amélioré sa part du vote dans tous les comtés sauf Arthabaska (où elle a diminué de 0,3%).

Du côté du PQ, sa part du vote a diminué dans pas moins de 123 des 125 circonscriptions. Les seules exceptions étaient Matane-Matapédia +2,2% (où le député péquiste Pascal Bérubé est très populaire) et Nicolet-Bécancour +3,7% (où Jean-Martin Aussant avait tenté sa chance avec Option nationale en 2012).

Ces chiffres sont frappants, c'est le moins qu'on puisse dire.


En conclusion


Alors que pouvons-nous conclure de ces chiffres? Que l'électorat québécois est moody depuis 10 ans? Qu'il est capable de changer d'humeur et de tourner son dos à un parti qui ne performe pas à la hauteur de ses attentes?

Quelle est la constante entre ces trois élections?

Des variations abruptes du vote populaire: en 2008, l'ADQ y a goûté; en 2012, de nombreux Libéraux ont soit essayé la CAQ ou sont restés chez eux le soir du vote; en 2014, les appuis péquistes ont fondu. (Et n'oublions pas que les deux dernières élections générales québécoises ont vu des vétérans politiques et chefs de parti se faire battre dans leurs circonscriptions respectives: Jean Charest dans Sherbrooke en 2012 et Pauline Marois dans Charlevoix en 2014.)

Conclusion: nos politiciens, tous partis confondus, ne devraient jamais tenir leur électorat pour acquis. Les résultats des élections générales récentes en sont une preuve irréfutable.


Bon mardi à tous et toutes!



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