Les appuis à la souveraineté se raffermissent

Un nouveau volet du sondage Pallas Data/Qc125/L’actualité, sur la souveraineté du Québec cette fois-ci, permet de constater que si les indépendantistes sont encore loin du grand soir, leur projet demeure vivant. La montée vertigineuse du Parti québécois (PQ) et la chute de la Coalition Avenir Québec (CAQ) dans les intentions de vote cet automne semblent avoir eu un léger effet sur l’engouement des Québécois pour le projet indépendantiste. Lire cette chronique ici . Philippe J. Fournier est le créateur de Qc125. Il est professeur de physique et d'astronomie au Cégep de Saint-Laurent à Montréal. Pour toute information ou pour une demande d'entrevue médiatique, écrivez à info@Qc125.com . Philippe J. Fournier is the creator of Qc125. He teaches physics and astronomy at Cégep de Saint-Laurent in Montreal. For information or media request, please write to info@Qc125.com .

Réflexions post Louis-Hébert: de quoi aurait l'air une vague caquiste?

L'éclatante victoire de Geneviève Guilbault, candidate de la CAQ, lundi dernier lors de l'élection partielle de Louis-Hébert a secoué plusieurs observateurs - en particulier ceux qui prévoyaient une victoire libérale ou une chaude lutte entre le PLQ et la CAQ.

Le modèle Qc125, étant axé sur les projections d'élections générales et non partielles, donnait la candidate caquiste victorieuse par une faible marge. Mme Guilbault l'a finalement emporté par une marge écrasante de 33% sur sa plus proche rivale.

Certes, il ne s'agit que d'une élection partielle et ce n'est pas la première fois que le château fort d'un parti s'effondre de la sorte. Ce n'est d'ailleurs que dans le présent siècle que l'on puisse trouver des exemples:

  • Mercier, au coeur du Plateau Mont-Royal, a été remporté par le PLQ (oui, vous avez bien lu) dans une partielle en avril 2001;
  • Berthier et Joliette, deux bastions péquistes, ainsi que le château fort libéral de Vimont (à Laval) avaient été balayés par l'ADQ de Mario Dumont en juin 2002.
  • Laurier-Dorion, autre forteresse libérale, avait été arrachée par Elsie Lefebvre du PQ en septembre 2004 (cet automne, Mme Lefebvre se présente aux élections municipales avec l'équipe de Denis Coderre).

Et il y en a plusieurs autres... (Pour une liste complète des élections partielles depuis 1963, consultez cette page du Directeur général des élections du Québec.)



Lors d'une élection générale, un résultat comme celui de lundi dans Louis-Hébert présagerait une importante vague caquiste qui, statistiquement, ne se limiterait pas à cette circonscription ou même à la région de Québec. Je suis donc allé creuser dans les données de la dernière projection Qc125 afin de trouver, parmi les 50 000 simulations effectuées, un scénario qui pourrait ressembler à une telle vague.

J'ai trouvé des données intéressantes. Dans Louis-Hébert, la projection actuelle accordait à la candidate caquiste une moyenne de 34,2% du vote populaire avec une marge d'erreur de 6,7%.



Donc, l'intervalle de confiance supérieur pour la CAQ dans Louis-Hébert se trouvait à 40,9%, ce qui signifie que la CAQ a obtenu un résultat supérieur à 40,9% dans un maigre 2,5% des simulations. Ces simulations pourraient être considérées comme des « données aberrantes », mais elles font tout de même partie de l'échantillon statistique. Elles ne sont peut-être pas les plus probables, mais elles ne sont pas impossibles non plus. Ce serait une erreur de les rejeter du revers de la main.

Nous allons donc jeter un regard à ce 2,5% de simulations où la CAQ performe au-delà de l'intervalle de confiance dans Louis-Hébert et étudier l'effet d'entraînement que pourrait avoir une telle vague.

Visuellement, voici ce que représentent, sur la distribution statistique du vote caquiste dans Louis-Hébert, les simulations que nous utilisons pour les calculs de ce billet (colonnes foncées de la figure ci-dessous).


Regardons d'abord les simulations se trouvant tout juste à la limite supérieure de l'intervalle de confiance, puis avançons graduellement vers des scénarios plus extrêmes.




La CAQ surperforme juste au-delà de son intervalle de confiance dans Louis-Hébert



Dans ces simulations, la CAQ obtient en moyenne 28,9% du vote populaire nationalement et 42,1% du vote dans Louis-Hébert.

Voici la distribution régionale moyenne:



Une surperformance importante de la CAQ dans Louis-Hébert aurait un effet d'entraînement important pour toute la région de la Capitale nationale ainsi que Chaudière-Appalaches. En tout, la CAQ remporte 16 des 18 sièges de ces deux régions combinées. Cette vague donnerait un gouvernement minoritaire à la CAQ avec le PLQ comme opposition officielle.

La CAQ balayerait les régions de la Mauricie et du Centre du Québec. Elle aurait des chances de percer dans les forteresses libérales des Cantons de l'Est.

Dans de tels scénarios, il ne resterait que des miettes au PQ dans la grande région de Montréal. Quinze des vingt-quatre sièges péquistes restants se trouveraient dans le Bas-Saint-Laurent, le Saguenay, la Côte-Nord et l'Abitibi.

(Cliquez sur la carte pour agrandir.)


Mises ensemble, ces simulations contiennent 31 circonscriptions pivots et la CAQ en détiendrait 16 d'entre elles.




La CAQ surperforme solidement au-dessus de son intervalle de confiance dans Louis-Hébert



Nous sélectionnons maintenant les simulations où la CAQ performe trois écarts-types au-dessus de sa moyenne dans Louis-Hébert, ce qui représente environ 0,1% de toutes les simulations.

En moyenne au cours de ces simulations, la CAQ reçoit 45,6% des voix dans Louis-Hébert et 29,4% au niveau national.



Cette carte ressemble à la précédente, mais avec une importante différence: le PLQ serait virtuellement rayé des Cantons de l'Est - ce qui nous aurait semblé impensable il n'y a pas si longtemps.

Malgré qu'il se trouverait dans la deuxième opposition, le Parti québécois tiendrait le coup et obtiendrait un total de siège certes faible, mais pas encore catastrophique.

(Cliquez sur la carte pour agrandir.)


En étudiant cette carte, on peut constater que le PLQ risquerait de devenir lui-même un parti régional: hors de la région de Montréal et de l'Outaouais, le PLQ serait réduit à un maigre quatre sièges.




La meilleure simulation de la CAQ dans Louis-Hébert



Tant qu'à explorer de la politique-fiction, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout? Je suis allé chercher la simulation unique la plus favorable à la CAQ dans Louis-Hébert parmi les 50 000 effectuées lors de la dernière projection.

Le résultat est frappant.

Il s'agit de la simulation #47100. Au cours de cette simulation, la CAQ obtient 49,2% des voix dans Louis-Hébert, soit juste sous le score de Mme Guibault lors de la partielle du 2 octobre dernier. Au niveau national, la CAQ remporte le vote populaire de justesse sur le PLQ avec 30,6%.

Voici la distribution régionale:


Cette fois, c'est le Parti québécois qui écope. Les conditions nécessaires pour qu'une telle vague caquiste ait lieu sont nombreuses et complexes, mais peuvent se résumer ainsi: le vote libéral s'effondre à Québec et Chaudière-Appalaches et diminue fortement dans l'Outaouais et les Cantons de l'Est. De plus, le vote péquiste doit fondre de quelques points dans pratiquement toutes les régions du Québec. D'ailleurs, dans cette simulation, le vote populaire péquiste est de 20,9%.

Vous remarquez peut-être que Québec solidaire parvient à remporter six sièges montréalais? Considérez la carte suivante:


Dans cette simulation, comme le vote péquiste est en baisse partout et que le vote libéral stagne, QS en profite pour prendre à la fois Rosemont et Laurier-Dorion (de justesse toutefois).

En fait, cette figure est tellement étonnante qu'il est approprié de regarder la carte par région. Voici Laurentides-Lanaudière (attention: les probabilités de victoire sont toutes inscrites comme étant >99%, car il s'agit d'une simulation unique et non d'une moyenne de simulation):



Voici l'est de la Montérégie:


Voici la région de la Capitale nationale:


Voici la région de Chaudière-Appalaches:



Voici le Saguenay-Lac-Saint-Jean:


Et avec toutes ces conditions favorables qui lui sont réunies, la CAQ obtient un total de 63 sièges - soit la limite d'un gouvernement majoritaire.




En conclusion



J'ignore s'il y a une meilleure façon de présenter à quel point, avec les chiffres actuels, la probabilité d'un gouvernement majoritaire est faible. Pour y parvenir, la CAQ doit percer en même temps dans des régions qui ne lui ont pas été favorables par le passé comme le Saguenay, l'Outaouais et les Cantons de l'Est.

Toutefois, il est quand même important de rappeler que la simulation #47100 d'une vague caquiste ci-dessus n'accorde que 30,6% du vote populaire à la formation de François Legault. Considérant que les sondages des derniers mois ont accordé des intentions de vote à la CAQ entre 26% et 28%, il ne lui suffirait que de quelques points supplémentaires pour remporter une myriade de nouveaux comtés.



Sur ce, je souhaite une excellente longue fin de semaine de l'Action de Grâce à tous mes lecteurs et lectrices!




Philippe J. Fournier est le créateur de Qc125. Il est professeur de physique et d'astronomie au Cégep de Saint-Laurent à Montréal. Pour toute information ou pour une demande d'entrevue médiatique, écrivez à info@Qc125.com.

Philippe J. Fournier is the creator of Qc125. He teaches physics and astronomy at Cégep de Saint-Laurent in Montreal. For information or media request, please write to info@Qc125.com.