Les appuis à la souveraineté se raffermissent

Un nouveau volet du sondage Pallas Data/Qc125/L’actualité, sur la souveraineté du Québec cette fois-ci, permet de constater que si les indépendantistes sont encore loin du grand soir, leur projet demeure vivant. La montée vertigineuse du Parti québécois (PQ) et la chute de la Coalition Avenir Québec (CAQ) dans les intentions de vote cet automne semblent avoir eu un léger effet sur l’engouement des Québécois pour le projet indépendantiste. Lire cette chronique ici . Philippe J. Fournier est le créateur de Qc125. Il est professeur de physique et d'astronomie au Cégep de Saint-Laurent à Montréal. Pour toute information ou pour une demande d'entrevue médiatique, écrivez à info@Qc125.com . Philippe J. Fournier is the creator of Qc125. He teaches physics and astronomy at Cégep de Saint-Laurent in Montreal. For information or media request, please write to info@Qc125.com .

L'efficacité du vote... et des chiffres pour briser le mythe que le mode de scrutin avantage les Libéraux

Depuis la création de Qc125, il a été démontré lors de chaque projection que le Parti québécois possède le vote le plus efficace, c'est-à-dire qu'il possède la pente la plus abrupte des graphiques de projection de sièges en fonction du vote populaire. Le PQ pourrait chasser les Libéraux du pouvoir... si seulement il pouvait s'approcher des Libéraux dans les intentions de vote.

Dans un billet publié le 24 février dernier sur le biais du vote populaire, le graphique suivant avait été présenté:



En utilisant les données de la projection Qc125 du 28 janvier 2017, le PQ perdait le vote populaire en moyenne par plus de 4% contre les Libéraux, mais il remportait tout de même près du tiers des simulations. Sur le graphique ci-dessus, on peut même constater que le PQ pourrait gagner l'élection même en perdant le vote populaire par ~5%. De plus, si le PQ devait perdre le vote populaire par 2,5% ou moins, il devenait largement favori pour remporter l'élection.

Et si le PLQ perd le vote populaire? Ses chances de gagner deviennent nulles.

Pourquoi? Parce que le vote péquiste est efficace, tout simplement. Certes, le PLQ possède la plus grande base de sièges sûrs avec un vote fortement concentré à Montréal, Laval et les Outaouais, mais il doit absolument distancer le PQ de plusieurs points à l'échelle de la province pour espérer l'emporter.

Évidemment, l'efficacité du vote est certes souhaitable pour n'importe quel parti, mais l'efficacité du vote péquiste à elle seule n'est pas suffisante: le PQ doit au moins s'approcher des Libéraux. La dernière projection Qc125 donne, en moyenne, une avance de 8,2% au PLQ. Avec un tel recul, un vote efficace n'est pas suffisant pour l'emporter.

Jetons un coup d'oeil à l'efficacité du vote de chaque parti selon les données de la dernière projection. Commençons avec le PLQ.



Certes, il y a beaucoup de bruit dans ce graphique, mais la pente moyenne du PLQ est de 2,53 sièges/% et semble plutôt représentative de la distribution de points.

Néanmoins, la distribution n'est pas tout à fait linéaire, alors analysons cette distribution plus en détail. Si nous séparons les points de ce graphique en deux groupes: les sousperformances du PLQ (vote populaire sous sa moyenne de 34,3%) et ses surperformances (vote populaire au-dessus de sa moyenne de 34,3%). Voici ce que nous obtenons:




L'efficacité du vote libéral sous 34,3% n'est que 1,66 siège/%, ce qui est très bas. Dans l'intervalle 30-34%, le vote libéral n'est pas du tout efficace. Il parvient quand même à remporter une forte proportion de simulations parce qu'il devance ses rivaux par une marge importante. (D'ailleurs, le PLQ avait obtenu 31,2% du vote populaire en 2012 et avait été battu).

Toutefois, dans l'intervalle 34-38%, la pente moyenne de la courbe grimpe à 2,93 sièges/%, soit presque le double que lorsque le PLQ sousperforme. Dans cet intervalle, une victoire libérale est statistiquement assurée.

Regardons l'efficacité moyenne du vote péquiste:


Encore une fois, ce graphique contient beaucoup de bruit, mais la pente est tout de même représentative de la distribution de points. En moyenne, le PQ obtient une pente 2,84 sièges/%, donc une efficacité marginalement plus élevée que celle des Libéraux.

Toutefois, l'ampleur de cette efficacité se dévoile encore plus si on sépare les sousperformances et surperformances péquistes:



Lorsqu'il sousperforme son vote moyen de 26,1%, la pente de la courbe est de 2,08 sièges/%. Donc, le vote péquiste entre 23-26% est plus efficace que le vote libéral à 30-34%, ce qui est en soit assez incroyable.

Lorsqu'il surperforme son vote, le PQ atteint sa « zone payante » et obtient pas moins de 3,23 sièges/%. Avec une telle efficacité, le PQ pourrait gagner l'élection avec à peine 30% du vote, si bien sûr la CAQ se maintient à son niveau actuel.

Parlant de la CAQ...



La pente moyenne de la CAQ selon les données de la projection est quelque peu inférieure à celle des Libéraux, avec une valeur de 2,53 sièges/%. Évidemment, avec en moyenne 11,3% de moins de votes que les Libéraux, la CAQ ne peut pas espérer remporter l'élection. (D'ailleurs, la CAQ n'a gagné aucune des 10 000 simulations de la dernière projection.)

Séparons les sousperformances et les surperformances caquistes:



Voilà ce que l'on peut appeler une vraie zone payante! L'efficacité du vote caquiste double lorsqu'il dépasse sa moyenne de 23,1%. Avec une pente de 3,04 sièges/%, l'efficacité caquiste dans cet intervalle dépasse celle des Libéraux et se compare même à l'efficacité péquiste.

Ce n'est qu'en atteignant la mi-vingtaine de points que la CAQ peut faire de réels dommages à ses rivaux.


En conclusion


Il n'y a rien qui m'agace plus dans le « commentariat » politique que des opinions facilement réfutables avec des simples calculs et graphiques, et c'est encore pire lorsque ces opinions sont répétées sans cesse. Depuis quelques années, je lis et j'entends trop souvent que les Libéraux sont d'une façon ou d'une autre avantagés par le mode de scrutin actuel.

C'est, statistiquement parlant, complètement faux.

La raison chiffrée pour laquelle le PLQ a remporté l'élection de 2014, c'est parce qu'il a devancé son plus proche rival, le PQ, par 16%, soit le plus grand écart électoral au Québec depuis 1985.

(Bien sûr, sous une proportionnelle, soit pure ou mixte, le PLQ n'aurait évidemment pas été majoritaire. Dans un tel mode de scrutin, nous n'aurions plus de gouvernement majoritaire quelque soit le parti. Ce serait carrément une chose du passé.)

Mais la concentration du vote d'un parti est un lourd désavantage dans un scrutin uninominal à un tour. Oui, les treize circonscriptions de l'ouest de Montréal et les cinq des Outaouais sont quasi assurées pour le PLQ, mais ces électeurs auraient encore plus de poids dans un mode proportionnel ou proportionnel mixte.

Lorsqu'ils entrent dans leurs zones payantes respectives, le vote péquiste et caquiste sont largement plus efficaces que celui des Libéraux. Ces deux partis possèdent donc une voie vers le pouvoir même s'ils obtiennent (un peu) moins de votes de l'électorat.

Ces deux partis pourraient, en théorie, bénéficier de cette efficacité du vote... mais ce qu'il leur manque pour gagner, c'est plus de votes.



Bon vendredi à tous et toutes!



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