Les appuis à la souveraineté se raffermissent

Un nouveau volet du sondage Pallas Data/Qc125/L’actualité, sur la souveraineté du Québec cette fois-ci, permet de constater que si les indépendantistes sont encore loin du grand soir, leur projet demeure vivant. La montée vertigineuse du Parti québécois (PQ) et la chute de la Coalition Avenir Québec (CAQ) dans les intentions de vote cet automne semblent avoir eu un léger effet sur l’engouement des Québécois pour le projet indépendantiste. Lire cette chronique ici . Philippe J. Fournier est le créateur de Qc125. Il est professeur de physique et d'astronomie au Cégep de Saint-Laurent à Montréal. Pour toute information ou pour une demande d'entrevue médiatique, écrivez à info@Qc125.com . Philippe J. Fournier is the creator of Qc125. He teaches physics and astronomy at Cégep de Saint-Laurent in Montreal. For information or media request, please write to info@Qc125.com .

Les marges victorieuses du vote populaire

Notre système électoral fait en sorte qu'un vote concentré dans une même région ou quelques comtés rapprochés devient un net désavantage lors d'une élection générale.

Cependant, malgré cette possibilité de déséquilibre entre le nombre de sièges remportés et le vote populaire dans notre système uninominal (FPTP), il est rare que le gagnant de l'élection ne soit pas aussi le gagnant du vote populaire. En fait, nous pouvons seulement trouver deux exemples d'élections québécoises où ce fut le cas dans les dernières 51 années.

  • En 1966, le Parti libéral de Jean Lesage a nettement remporté le vote populaire par une marge de plus de 6%, mais l'Union nationale (très populaire dans les régions rurales du Québec) a réussi à l'emporter malgré tout avec 56 sièges contre 50 pour le PLQ (il n'y avait que 108 sièges à l'époque). Ce fut d'ailleurs la dernière victoire électorale de l'histoire de l'Union nationale.

  • En 1998, Lucien Bouchard et Jean Charest, deux anciens ministres du Parti progressiste conservateur de Brian Mulroney, se sont affrontés dans la première élection générale québécoise post-référendaire. Malgré que les Libéraux de Charest aient gagné le vote populaire par une faible marge de 0,68%, le Parti québécois de Bouchard remportait l'élection facilement avec 76 sièges (contre seulement 48 sièges pour le PLQ et un siège pour Mario Dumont de l'ADQ, voir figure ci-dessous).


Selon la dernière projection Qc125, la probabilité que le gagnant de l'élection ne soit pas le parti qui remporte le vote populaire est de 8,3%. Cette éventualité, avec les données actuelles, est donc peu probable, mais certainement pas impossible.

Regardons les scénarios victorieux pour chaque parti et jetons un coup d'oeil aux écarts du vote populaire avec le nombre de sièges remportés.

La dernière projection accorde aux Libéraux un vote populaire moyen de 32,9%, contre 28,6% pour le PQ et 24,6% pour la CAQ. Le PLQ est donc, en moyenne, 4,3% devant son plus proche rival. Comment cette marge varie-t-elle selon le gagnant des simulations?

Voici les sièges remportés selon le vote populaire des 1000 simulations:


Et voici les probabilités du vote populaire pour les trois partis:


Nous allons découper ces graphiques en morceaux selon le gagnant des simulations.

Parmi les 1000 simulations de la dernière projection, le PLQ est gagnant à 655 reprises, le PQ 305 et la CAQ 3. Nous allons exclure les 37 simulations où il y a égalité en tête du nombre de sièges.


Victoires du PLQ (655 simulations)


Évidemment, si on filtre les victoires péquistes et caquistes, les Libéraux - déjà favoris pour remporter le vote populaire 9 fois sur 10 - s'éloignent du peloton.


Nous avons ici un échantillon tout de même important avec 655 simulations. L'écart du vote populaire entre le gagnant de l'élection et son proche rival varie donc aussi considérablement. En moyenne, lorsque le PLQ remporte la simulation, il remporte le vote populaire par 5,9%.

Le PLQ avait gagné le vote populaire par 16,1% en 2014. Selon la dernière projection, la probabilité qu'il répète cet exploit est nulle. En fait, le PLQ remporte l'élection par plus de 10% dans seulement 2% de toutes les simulations. Ce scénario est donc hautement improbable.

Le graphique ci-dessous contient les probabilités des écarts du vote populaire pour les victoires libérales.


Le PLQ remporte le deux tiers de ses victoires par une marge de 3,6% à 8,2%. La victoire la plus serrée du PLQ est par une marge du vote populaire de 0,8% (contre le PQ).

On remarque d'ailleurs que la marge n'est jamais négative. En effet, lors des 655 simulations victorieuses pour le PLQ, les Libéraux ne perdent jamais le vote populaire.




Regardons maintenant les victoires péquistes.


Victoires du PQ (305 simulations)


Le Parti québécois détient une probabilité respectable de 30,5% de remporter l'élection selon la dernière projection, mais c'est l'efficacité du vote péquiste qui rend ces victoires possibles: le PQ ne remporte le vote populaire qu'une seule fois sur dix (sur les 1000 simulations de la dernière projection).

Voici la distribution des sièges en fonction du vote populaire pour les 305 simulations des victoires péquistes:


Nous remarquons tout de suite que la plupart des points rouges se trouvent un peu plus à la droite que les points bleus, ce qui indique une plus grande part du vote populaire.

Et en effet, voici les probabilités du vainqueur du vote populaire pour les simulations remportées par le Parti québécois:


Même en filtrant les simulations pour ne conserver que les victoires péquistes, les Libéraux sont toujours favoris pour gagner le vote populaire - et de loin: 73,8% pour le PLQ contre seulement 26,2% pour le PQ.

En calculant les marges victorieuses des victoires péquistes, on obtient cette distribution de probabilités:



Les barres rouges indiquent que le PLQ gagne le vote populaire par la marge indiquée. En moyenne, lorsque le PQ remporte une simulation, il perd le vote populaire par 1,0%.

La plus importante marge victorieuse pour le PQ est de +3,0%. La plus grande marge négative pour une victoire péquiste est de -5,2%.

D'ailleurs, j'essaie d'imaginer, dans le climat politique actuel, que n'importe quel parti puisse gagner l'élection, mais perdre le vote populaire par plus de 5%... et j'ai des migraines.

J'avais décrit, dans un billet plus tôt en février, que le vote péquiste était le plus efficace parmi les quatre partis représentés à l'Assemblée nationale. Ces graphiques appuient certainement cette observation. Le vote péquiste est si efficace qu'il arrive à gagner 305 simulations en perdant le vote populaire dans 225 de celles-ci.

D'ailleurs, petite observation finale quant aux victoires péquistes: dans une simulation parmi ces 305 victoires péquistes, le PQ finit troisième dans le vote populaire, mais gagne quand même l'élection.

Simulation #262:
  • PQ 44 sièges, 26,8%
  • PLQ 42 sièges, 31,9%
  • CAQ 36 sièges, 27,0%
  • QS 3 sièges, 10,2%

Je dois avouer qu'elle m'a fait sourire, celle-là. Imaginez un tel scénario. Et sortez le popcorn.


Victoires de la CAQ (3 simulations)


Comme la Coalition Avenir Québec ne remporte que trois simulations, il est pratiquement impossible de soutirer des statistiques fiables. L'échantillon est beaucoup trop petit. Tout de même, jetons un coup d'oeil à la distribution sièges vs vote populaire.


On remarque que le PLQ gagne le vote populaire dans chacune de ces simulations. La CAQ termine deuxième au vote populaire à deux reprises.


Il ne s'agit que de trois simulations, alors soyons prudents avec ces statistiques, mais, en moyenne, le PLQ remporte le vote populaire par 3,7%.


En conclusion


Le système FPTP peut, à l'occasion, donner des résultats aberrants en termes de sièges par rapport au vote populaire. Cependant, les aberrations sont très rarement liées au parti qui a remporté l'élection, mais plutôt sur le fait qu'un parti peut être majoritaire en ne gagnant que 37% à 40% du vote populaire.

Ceux qui affirment que les Libéraux profitent du mode de scrutin actuel semblent oublier que le PLQ a remporté le vote populaire par 16,1% (!) en 2014. Il s'agissait de la plus importante marge victorieuse depuis l'élection générale de 1985.

L'élection de 1966 est la seule depuis 60 ans où le clair gagnant du vote populaire a perdu l'élection.

(Petit clin d'oeil: le slogan de l'Union nationale pour l'élection de 1966 était: « Le Québec d'abord » Source: Radio-Canada).

Personnellement, je me souviens de l'élection Bouchard vs Charest de 1998. Certes, le fait que le PQ ait perdu le vote populaire a été mentionné par les médias et les politiciens de l'époque (et a probablement empêché Lucien Bouchard de tenir un troisième référendum), mais - corrigez-moi si je me trompe - je n'ai pas de souvenir que cette disparité ait causé un scandale. Oui, les Libéraux de Jean Charest avaient gagné le vote populaire, mais par une marge très mince (0,68%). Le vote libéral était fortement concentré à Montréal.

De mémoire, je ne crois pas que Libéraux et Adéquistes réclamaient la proportionnelle après cette élection. Je n'ai aucun souvenir que les partis d'opposition ait considéré la victoire de M. Bouchard comme illégitime. Encore une fois, ma mémoire pourrait faire défaut, alors corrigez-moi si je me trompe.


Dans la projection actuelle, la possibilité d'une disparité entre le vote populaire et le nombre de sièges remportés est certes possible, mais, statistiquement, elle ne pourrait survenir que si le PQ ou la CAQ remporte l'élection.

Il se dit depuis longtemps que le PLQ doit gagner le vote populaire par au moins 2%-3% pour l'emporter.

Et bien, selon le modèle, certaines simulations donnent le PQ gagnant même si le PLQ gagne le vote populaire par 4% ou 5%.


Bon mercredi à tous et toutes!

(Qui est prêt pour une nouvelle projection?)


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